vendredi 11 mars 2016

N°11 - Infinie Tristesse



Cette chronique est inutile, car elle ne procure ni gain, ni bénéfice.

Mon idée de la liberté, c'était : "être comme personne, si je veux !". 

Comme tout le monde, donc. 

De pouvoir être différent, comme les autres, si vous voulez.

La République du pays dans lequel je zonais protégeait mon droit à m'intéresser, à me détourner ou à me moquer de la richesse de l'indifférenciation ou de l'indifférence. 
Je pouvais bien ne pas chanter l'hymne - je chante faux - que mon pays ne m'en voulait pas, tant que mon projet n'était pas de nuire à mon alter-humain.

Puis un jour, un gouvernement se réclamant approximativement du socialisme s'empara de la Réaction. Il avait apparemment à cœur de se l'approprier avec fermeté, "pour ne rien laisser à l'adversaire"... Il l'amena en toute bonne perdition ; en toute bonne démission ; en toute bonne lâcheté. Il nous gratifia d'une conception du vivre-ensemble qui consista à trier un peu plus entre les modestes et les pauvres ; entre les nationaux purs et les nationaux moins purs.  
Ma tête commença alors à pourrir ("le poisson commence toujours à pourrir par la tête", dit un proverbe chinois) et ma fabrique à ressentiment, détrès productive, s'emballa. 
Assez vite, ce qui devait acheva de se réaliser : je me sentis encore plus désœuvré ; moins pur, encore. 

Mais un jour, avec l'aide précieuse de ceux qui vinrent me trouver, je compris que rien de tout cela n'était normal et que le terrible sort qui m'était réservé prouvait bien que c'était tous ces autres qui étaient non pas moins purs, mais totalement impurs ! 
On m'expliqua alors que je pouvais accéder à une toute autre destinée que cette insondable misère qui m'était infligée sur Terre pas tous ceux-là. Il fallait contribuer à les éliminer pour le plaisir de Dieu, et pour me sauver. Mon honneur retrouvé et mon paradis seraient d'être martyr et je me fis donc sauter, au milieu des salauds. "Eparpillé, façon puzzle", comme un ancien pote bouffeur de grenouilles aimait à dire, du temps où j'avais des potes impurs.


Je ne sais pas d'où je m'exprime aujourd'hui, mais je peux dire que je ne ressens plus ni joie, ni colère, ni culpabilité. Je sais que la pureté et l'impureté sont les deux versants d'une même ineptie et je sais quantité d'autres choses, mais... je ne parviens plus à m'intéresser à tout cela, d'où je suis... 
Ici, tout est très calme, ce qui pourrait me convenir, si je ne ressentais pas cette infinie tristesse.

Paradis ? Enfer ? Ça n'a aucun sens, en ce non lieu... Le fait est que ça n'en a jamais eu en soi... Rien n'a de sens que celui que l'on crée.

Il y aurait tant d'autres choses à créer... 

Quelle tristesse ! 

Le numéro suivant de CHRONIQUE INUTILE DU VENDREDI (La) vous causera de... Germain.
 

2 commentaires:

  1. "Je veux vous parler de l'arme de demain
    Enfantée du Monde, elle en sera la fin,
    Je veux vous parler de moi, de vous..."

    etc etc...

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    1. Ce Jean-Louis est un prophète à sa manière ! ;) Bel à propos ! 😊

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